lundi 15 novembre 2021

« Situation sécuritaire très complexe » : le Mali veut une relation « gagnant-gagnant » avec la Russie


« Le Mali est dans une situation sécuritaire très complexe »
, constate le chef de la diplomatie Abdoulaye Diop au micro de Sputnik. Face à cette situation, le pays place beaucoup d’espoir dans la coopération avec la Russie, déjà développée sur plusieurs axes.

En déplacement à Moscou, le ministre malien des Affaires étrangères s’est penché dans un entretien à Sputnik sur la coopération avec la Russie, qui a été « un des premiers à assister le Mali dans divers domaines et pas seulement militaire ».

Outre le fait que beaucoup de personnel militaire a été formé en Russie, Abdoulaye Diop a fait remarquer que « des entreprises et sociétés d’État ont été installées dans le domaine du coton, dans le domaine agricole, dans le domaine pharmaceutique - donc nous avons déjà une relation très diversifiée ».

Dans l’agenda d’aujourd’hui, c’est l’ambiance sécuritaire qui éveille le plus les inquiétudes du ministre et dicte les besoins notamment en termes d’équipement, d’assistance pour pouvoir utiliser ce matériel, tout comme d’entraînement des militaires.

« Le Mali est dans une situation sécuritaire très complexe, faisant face aux groupes terroristes les plus radicaux sur cette planète. Donc il y a un besoin urgent de pouvoir répondre à cela et donner la capacité militaire et la capacité technique à nos forces de défense et de sécurité pour qu’elles puissent assumer leur rôle dans la protection du pays et la défense de son intégralité territoriale », a expliqué le chef de la diplomatie.

Par conséquent, « la Russie est un partenaire stratégique sur lequel nous pouvons compter », met en valeur M. Diop.

Son homologue russe Sergueï Lavrov avait promis le 11 novembre de continuer d’apporter un « soutien tous azimuts » aux forces armées maliennes pour les aider à sécuriser leur pays.

Aucun contrat n'avait encore été signé à ce jour avec une société militaire privée russe, selon le ministre malien. En cela, les sociétés paramilitaires russes ne représentent pas la Russie, avait souligné à son tour le Président Vladimir Poutine.

Échanges commerciaux

Autre terrain de coopération : le domaine économique qu’Abdoulaye Diop espère renforcer.

« Il y a des partenariats nouveaux dans le domaine économique, dans le domaine commercial, l’utilisation des ressources minières et des ressources énergétiques. Donc il y a tout un paquet important », constate-t-il.

Le Mali ayant plusieurs types de potentiels « inexploités », les échanges commerciaux peuvent suivre plusieurs axes, poursuit le diplomate. En guise d’exemple, des entreprises russes pourraient souhaiter travailler avec du coton malien vu que le Mali est « le premier producteur africain » en la matière.

« Le Mali est aussi le troisième producteur d’or sur le continent africain, après l’Afrique du Sud et le Ghana. Plus généralement, dans le domaine minier, nous savons que le Mali a un potentiel important en termes de ressources en pétrole qui ne sont pas encore exploitées. Et la Russie est aujourd’hui un producteur de premier plan au niveau mondial. Nous espérons que la Russie, à travers son expérience, son expertise et sa technologie, pourra aussi aider dans l’exploration des ressources minières – au-delà du pétrole, il y a beaucoup d’autres minerais et que nous puissions travailler ensemble à valoriser ces ressources, non pas seulement exporter des minerais à l’extérieur. Donc nous souhaitons vraiment que la base de la relation soit élargie dans un esprit gagnant–gagnant », résume Abdoulaye Diop.

Ekaterina Yanson

Source : https://fr.sputniknews.com 13 novembre 2021

vendredi 15 octobre 2021

UNE VÉRITABLE BOUFFÉE D’OXYGÈNE…

À propos de « La Côte d’Ivoire & la France, telles Sisyphe & son rocher », de Marcel Amondji

 
Après une « pause » dans sa production de livres politiques, Marcel Amondji, nous revient avec un nouvel ouvrage de belle facture, « La Côte d’Ivoire & la France, telles Sisyphe & son rocher ». Parler de belle facture avec cet auteur, est un bel exemple de tautologie. Dans ce dernier opus, Marcel Amondji, replace l’église au milieu du village politique ivoirien. En effet, au moment où les acteurs de la vie politique ivoirienne semblent s’être accordés pour offrir à la population la quête perpétuelle de l’homme providentiel et la fatalité historique, comme moteurs de la réflexion politique ; Marcel Amondji s’en éloigne résolument. Il refuse de manger de ce pain, en disant sa foi dans le peuple ivoirien mais surtout, invite ce dernier, et les acteurs de sa classe politique, à ne pas perdre de vue l’essentiel, à savoir, mettre fin à cette relation de dépendance existant entre la Côte d’Ivoire et la France.

Ce nouvel essai politique, qui se divise en deux parties, est une compilation d’articles complémentaires. Cette disposition favorise une lecture facile de l’œuvre, dans la mesure où elle permet au lecteur de librement choisir le texte par lequel, il voudrait bien commencer sa lecture. La première partie de l’œuvre, présente certaines des dernières réflexions de l’auteur sur les rapports entre la Côte d’Ivoire et la France. Dans la deuxième, dont le contenu n’est guère éloigné de celui de la première, il offre aux lecteurs, des éléments pour penser un autre avenir politique de la Côte d’Ivoire.

Dès les premières lignes, l’auteur met les pieds dans le plat, comme pour inviter, à plus de vigilance, les Ivoiriens, quelque peu distraient par leurs leaders politiques : 

« Comme colonisateurs, les Français ne sont ni pires ni meilleurs que les autres mais, le problème avec eux, c’est qu’ils ne savent pas s’arrêter ».

Partant de ce constat, se fier à un discours de la classe politique française annonçant un hypothétique changement dans les relations entre la France et la Côte d’Ivoire serait contreproductif pour les Ivoiriens. Par une analyse d’actes posés par des présidents français de bords politiques différents, Marcel Amondji met le doigt sur cette constante qui les lie tous, à savoir : 

«…pour eux tous, et en toutes circonstances, il n’y a et il ne saurait y avoir qu’une seule et unique manière d’envisager la relation entre leur pays et le nôtre : à eux d’y décider toujours souverainement de tout ; à nous de leur obéir toujours plus servilement. Faute de quoi, ils nous « cassent » d’une façon ou d’une autre ».

Pour garder cette constance dans la gestion de la relation entre la France et la Côte d’Ivoire, l’existence d’un système pourrait-il être envisagé ? Marcel Amondji n’a aucun doute sur la réponse à cette interrogation : les relations entre la France et la Côte d’Ivoire relèvent d’un système. Imperméable aux changements du locataire de l’Elysée, ce système, qualifié de « système houphouéto-foccartien », par notre auteur, a pour raison d’être, le maintien de la nation ivoirienne dans un état d’« indépendance sans la souveraineté ». Dit autrement

« C’est un système fondé sur le principe de l’incapacité voulue et organisée des autochtones de telle sorte qu’il ne puisse y avoir en Côte d’Ivoire ni une société civile reconnue comme sujet naturel de sa propre histoire, ni, a fortiori, une classe politique, puisque cette dernière ne peut exister comme une réalité tangible là où l’existence de la première est empêchée ou niée ».

Comme tout système, le système houphouéto-foccartien, peut connaître des crises. Cependant, l’observation de ces dernières, n’est pas chose aisée car elles sont habituellement présentées sous des apparences autres que ce qu’elles sont en réalité. Justement, sur ce point, les lectures d’articles comme « DE QUOI LA "CHARTE DU GRAND NORD" ÉTAIT-ELLE LE NOM ? » et « L’AFFAIRE OUATTARA & LA CRISE DE L’HOUPHOUÉTO-FOCCARTISME » sont vivement recommandées. Ces articles seront de véritables cures de désintoxication pour les lecteurs restés trop longtemps exposés au discours de médias étrangers, et français en particulier, sur les supposées origines xénophobes de la « crise ivoirienne ». Le lecteur comprendra de lui-même que derrière toutes ces crises, nées après un certain 7 décembre 1993, se jouait tout simplement des séances de casting organisées par la France pour la sélection du nouveau garde-chiourme de sa « plantation » Côte d’Ivoire. Pas plus.

L’existence de crises du système, ne veut pas dire que ce dernier fonctionne sans personnel. Ainsi, tout le long de sa lecture, le lecteur fera la rencontre des hommes officiels et officieux de ce système. Qui est par exemple Monsieur Jean ? La seule lecture du texte consacré à ce monsieur permet de saisir la gravité de l’existence, pour une nation, d’un système comme le système houphouéto-foccartien. Pour ceux qui, parmi les lecteurs, pourraient être tentés de s’essayer à facilement accuser Marcel Amondji d’être un anti-français, prière leur est faite, de préalablement lire, L’ITINÉRAIRE D’UN JUSTE ; article que M. Amondji consacre à l’anticolonialiste français Gaston Donnat.

Marcel Amondji, c’est aussi un style, dense fusion d’histoire et d’analyses politiques. Les anciens lecteurs ne seront pas déçus, et les nouveaux n’auront pas de souci à se faire. Ces derniers, après la lecture de ce livre, se mettront, à coup sûr, à la recherche des précédents livres de l’auteur. Ces deux groupes de lecteurs, pourront même s’ils le souhaitent, simple proposition, commencer la lecture du livre par l’article ASSABOU ET MARCOUSSIS, DEUX TRAGÉDIES IVOIRIENNES, belle illustration du style de l’auteur.

 Après la lecture de quelques textes décrivant la réalité du système houphouéto-foccartien, le lecteur pourrait être poussé à se demander si vouloir se sortir d’un pareil système ne relèverait pas plus d’une gageure que d’autre chose. Ce défaitisme, annonciateur de la fatalité, est rejeté par M. Amondji :

« Non, notre patrie n’est pas vouée à être éternellement cet appendice de la France qu’Houphouët nous a légué. Tôt ou tard le jour viendra où, réellement et totalement délivrée de l’emprise du colonialisme français, elle se montrera enfin telle que nos pères la rêvaient vers le milieu des années 1940. C’est-à-dire un pays dont les habitants naturels font leurs propres lois et créent eux-mêmes, librement, les bases matérielles de leur développement économique et de leur progrès social ».

Pour lui il n’y pas de doute, si les Ivoiriens veulent mettre fin à cette situation, il faudrait qu’avec lucidité, ils acceptent que ce changement espéré relève d’eux :

« …ne nous berçons pas d’illusions : aucun compromis ne nous délivrera de cette dépendance ; elle ne finira que du jour où nous serons en mesure de prendre nous-mêmes notre destin en main sans attendre la permission de quiconque, sans marchandages, et sans faux « facilitateur » cachant dans son dos la « cinquième colonne » de nos opiniâtres prédateurs ».

Une fois conscient qu’eux seuls sont en capacité d’en payer le véritable prix, il faudrait que ce projet de libération devienne la priorité de leurs priorités :

« Vous le savez évidemment : le seul vrai problème de la Côte d’Ivoire, celui auquel il est absolument impératif de s’attaquer avant d’espérer entrevoir la moindre lueur dans le pot au noir qu’est notre destinée nationale depuis que nous l’avions confiée à un individu cupide et veule comme Félix Houphouët, c’est l’étroitesse et l’opacité de ses rapports avec la France. Est-ce un pays indépendant, un Etat souverain, ou un de ces « territoires d’outre-mer » que la France s’entête à maintenir sous sa tutelle aux quatre coins du globe, où des gens venus d’ailleurs sont tout tandis que les autochtones, eux, sont privés de leurs droits naturels ? Et si c’est ce qu’elle est, la Côte d’Ivoire est-elle vouée à le rester éternellement ? Et lui serait-il défendu de rêver d’être autre chose un jour ? Et qu’est-ce qui nous obligerait, nous ses citoyens naturels, à accepter un tel destin pour notre patrie ? Si la moitié ou même un quart seulement de ceux qui battent quotidiennement le pavé de Paris et d’Amsterdam depuis deux ans se posaient de telles questions et les examinaient surtout de façon sereine, leur unique mot d’ordre serait : « Indépendance ! ». Parce que l’indépendance une fois acquise, le reste suivrait… Je ne dis pas que ce serait automatique ; je dis que la voie vers l’avenir dont nous rêvons pour nos petits-enfants serait alors ouverte et il ne dépendrait plus que de nous, de nos efforts, de nos sacrifices, qu’un jour ce rêve devienne la réalité ».

L’ancien leader syndicaliste étudiant[1] a l’âge et l’expérience pour lui. Il parle d’un système qu’il a observé et subi. Pourtant, malgré toute la réalité décrite, dans ce livre, le lecteur ne le refermera pas sans avoir été contaminé par cette espérance de l’auteur qui l’irrigue :

 « Tout ce que nous avons vu ces dernières années, notamment depuis le putsch de 1999, a montré que délivrer la Côte d’Ivoire de l’emprise de l’houphouéto-foccartisme et de son corollaire, cette absolue suprématie que la France a conservée sur nous après le 7 août 1960, ne sera pas une tâche facile. Mais, pas facile ne veut pas dire impossible. Car ce que nous avons vu depuis le putsch a aussi confirmé deux autres constantes de notre histoire : malgré toutes les violences de nos ennemis – car comment nommer les massacreurs du 4 novembre 2004 devant l’hôtel Ivoire et sur le pont Charles de Gaulle et ceux d’avril 2011 dans tout Abidjan, ceux qui leur donnaient les ordres et ceux qui les ont couverts ? Cette France qui, sans l’avoir déclarée et en violation de la lettre des traités liant nos deux pays, s’est livrée à une guerre des plus atroces contre nous ? –, malgré toutes les violences de nos ennemis donc, dans leur masse les Ivoiriens n’ont jamais renoncé à récupérer leurs droits spoliés, à commencer par le droit d’être les seuls maîtres chez eux. Et, en eux, l’extraordinaire capacité de résistance dont firent preuve leurs aïeuls et leurs pères face aux conquérants ou pendant la période coloniale, n’est pas épuisée ».

La lecture de La Côte d’Ivoire & la France, telles Sisyphe & son rocher est une véritable bouffée d’oxygène, dans cette atmosphère politique ivoirienne polluée par des compromissions et des futilités qui ont eu pour conséquence de refaire de l’évidence de l’après 11 avril 2011 (Le 7 août 1960, la France, dans la réalité, n’est pas partie), un sujet tabou.

La Rédaction

 
 

 



[1] - Élu en décembre 1959 pour un mandat d’un an, Marcel Amondji était le président de l’Union générale des Etudiants de la Côte d’Ivoire (U.G.E.C.I.) durant l’année où la Côte d’Ivoire devint « indépendance ».

lundi 11 octobre 2021

« Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question » (Emmanuel Macron, 30 septembre 2021).

LA RÉPONSE DU DR MOHAMMED LAMINE DEBAGHINE 

(1917-2003)

Mesdames, Messieurs, 

Mes collègues du groupe pour le Triomphe des Libertés Démocratiques en Algérie qui m’ont précédé à cette tribune ont amplement démontré, s’il était encore besoin de le faire, que la colonisation a été pour notre malheureux pays une véritable catastrophe, et ceci à tous les points de vue.

Mais ce serait une très grande erreur de croire, par exemple, que le désir d’indépendance du peuple algérien provient uniquement du fait que la colonisation n’ait pas réussi au sens matériel du mot. Cela signifierait, par exemple que si la colonisation s’était traduite, dans le domaine matériel, par une amélioration du standing de vie de la population musulmane, cela nous aurait peut-être amenés à concevoir de bonne grâce la perte de notre personnalité, de notre souveraineté, de notre culture. Il n’en est rien. Quand bien même la France aurait réalisé des merveilles dans ce qu’elle appelle sa colonie d’Algérie, quand bien même toutes les faussetés qu’on colporte à l’avantage de la colonisation seraient vraies, quand bien même le peuple algérien, de misérable qu’il était à ce qu’on nous assure, sous sa propre loi, serait devenu, par la vertu des baïonnettes françaises, le peuple le plus sain, le plus cultivé et le plus prospère…

 

– M. le ministre de l’Intérieur : N’exagérez pas !

– M. Lamine Debaghine : Je suis ici pour dire la vérité et je continuerai. Mes paroles ne dépassent pas ma pensée et je répète ce que je disais.

  M. Hutin-Desgrées : Systématiquement, on fait le procès de la France. Nous ne l’acceptons pas, au nom du sang versé pour la justice et la liberté.

– M. Lamine Debaghine : Ce ne sont pas les interruptions qui me feront taire. Ce que j’ai dit, je l’ai dit devant le juge d’instruction, en 1943, et je le dirai encore.

 

N’oubliez pas, Mesdames et Messieurs, l’Algérie est une Nation. Elle a été une Nation et a été souveraine. Seule l’agression de 1830 lui a fait perdre sa souveraineté. On a trop tendance à l’oublier. Par exemple, l’affirmation répétée à tous les instants, aussi bien par le gouvernement que par les membres même de cette Assemblée, que l’Algérie constitue, tantôt une partie intégrante de la France, tantôt trois départements français, tantôt comme on vient de le dire une collectivité territoriale de la République française, est une affirmation unilatérale, dénuée de tout fondement.

De plus, les traités conclus entre l’État algérien et des nations telles que l’Angleterre, les États-Unis et la France elle-même prouvent que l’Algérie était considérée comme une nation souveraine. Bien mieux, non seulement la France a échangé des instruments diplomatiques qui ne laissent aucun doute sur la reconnaissance de la souveraineté de l’Algérie à cette époque, mais encore – et cela on ne le sait pas suffisamment – il y a eu au XVIème siècle une véritable alliance entre la France et l’Algérie. Et une alliance ne peut se conclure qu’entre deux États souverains et non entre un vassal et un suzerain.

D’autre part, l’Algérie était à ce point considérée comme un État souverain par la France elle-même, qu’en 1793, pendant la guerre que celle-ci soutenait contre l’Europe entière, aussi bien pendant la Révolution que pendant le Consulat, la France jugea que, seule la nation algérienne, qui était à cette époque souveraine, pouvait la ravitailler en blé, en chanvre pour les cordages de ses navires, en chevaux et même lui prêter gracieusement de l’argent. Cela s’est produit en 1797.

Les sommes prêtées par l’État algérien s’élevaient à plusieurs millions de francs-or. Les considérations dont je viens de faire état ne peuvent laisser aucun doute quant à la reconnaissance de la souveraineté algérienne par la France.

Depuis, il est vrai, il y a eu 1830. Le peuple algérien a lutté. Plus de deux millions de ses enfants sont tombés entre 1830 et 1857 dans la guerre de l’indépendance.

Si la loi du nombre et le sort de la guerre lui ont été contraires, cela prouverait-il, par hasard, que l’Algérie ait cessé d’avoir droit à l’indépendance ? Cela prouve-t-il surtout que la France ait le droit de dire que l’Algérie est française ? De quel droit se réclame-t-on pour déclarer que l’Algérie est française ? Serait-ce le droit du plus fort ? Serait-ce le droit de la conquête ? Le Tchécoslovaquie ou la Pologne, par exemple, conquises par les armes d’Hitler, ont-elles été considérées comme allemandes par vous, Mesdames, Messieurs, pendant les années terribles de la dernière guerre ?

Dans des considérations de cette sorte, il ne peut y avoir diverses interprétations pour un même fait. La Tchécoslovaquie a perdu sa souveraineté du fait d’une agression impérialiste. Elle a conservé son droit à l’indépendance et, aujourd’hui, elle a fini par devenir libre.

De même l’Algérie, malgré son héroïque lutte, a perdu sa souveraineté dans une guerre qui fut malheureuse. Nous ne pouvons admettre que ce sera là le terme de sa souveraineté. Elle reconquerra sa liberté, elle redeviendra elle-même, nous en sommes persuadés, car il n’y a pas d’exemples au monde de Pologne qui ne finissent pas par ressusciter.

L’Algérie – c’est notre avis et l’avis des historiens éminents qui se sont penchés sur son cas – n’a jamais été française. Tout le prouve, l’histoire comme la géographie.

Un siècle d’oppression ne lui a pas fait perdre sa personnalité, ni sa farouche détermination de redevenir elle-même. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, comme hier, il ne peut s’agir pour nous, Algériens, d’accepter une solution, quelle qu’elle soit, qui ne postule pas avant toute chose le respect de la personnalité algérienne, le développement de notre culture arabe et surtout la garantie absolue du retour à notre souveraineté nationale.

 Vu sous cet angle, le problème algérien ne peut comporter que des solutions de droit, de justice et de démocratie. J’emploie le mot « droit », le mot « justice », le mot « démocratie ». Et je suis persuadé que ces mots n’ont pas tout à fait la même signification quand ils sont prononcés par quelqu’un qui a besoin du droit et de la démocratie ou, au contraire, quand ils sont prononcés par ceux pour qui ils ne sont qu’un paravent à d’autres idées moins avouables.

Veut-on, par exemple, régler le problème algérien sans le droit ? Pourtant, ce que je vais dire me parait tout à fait naturel et je suis certain que mes paroles feront sursauter une partie de l’Assemblée. En 1830, il y a eu agression impérialiste par désir de lucre et de conquête. L’histoire du blé de Bacri et Busnach le prouve amplement. Le plus fort s’est jeté sur le plus faible et il en est résulté l’état de fait que nous étudions aujourd’hui.

Sa solution au point de vue du droit des gens, au point de vue du droit strict, au point de vue du droit international, ne peut être autre chose que l’évacuation de l’Algérie par les troupes françaises, la restitution des terres expropriées à leur légitimes propriétaires, la restitution des médersas à la culture arabe, la restitution des mosquées à la religion musulmane. Veut-on une solution qui soit basée sur la justice ?

Le problème algérien a été d’abord une guerre, puis une lutte et actuellement il prend l’aspect d’un véritable procès entre l’Algérie et la France. Et dans ce procès, les Français se réservent le droit d’être juges. 

Or, il est évident qu’en bonne justice, on ne saurait être à la fois juge et partie. D’où la nécessité, pour un bon règlement de la question algérienne – si vous le voulez bien, Mesdames et Messieurs – de porter le différend devant des juges qui ne soient ni algériens, ni français.

Là encore, la solution est nette. Le peuple algérien a fait suffisamment de sacrifices, je crois, aux cours de deux dernières guerres mondiales pour la cause de la démocratie. Il a le droit de réclamer pour lui l’institution de cette démocratie qu’il a contribué à instaurer dans le monde.

Qu’on lui donne la parole, que l’on permette l’élection d’une Assemblée constituante souveraine élue au suffrage universel, comme cela a été accordé aux Indes par l’Angleterre. Et l’on verra ce que pense le peuple algérien sur la forme de régime qui sera appelé à le régir et sur la nature des relations qu’il sera amené à avoir avec la France ou tout autre pays.

 Et si le peuple algérien se prononce pour l’indépendance, il faudra bien qu’on la lui accorde, si on est démocrate.

Les solutions que nous venons de voir sont nettes et simples et pourtant il est facile de prévoir qu’aucune d’elles ne sera retenue pour la bonne raison que ce sont là des solutions de justice, de droit et de démocratie. Et c’est précisément parce qu’elles sont justes et équitables qu’on ne voudra même pas en entendre parler, tant l’esprit colonialiste étroit, rétrograde et essentiellement injuste est encore vivace. Et pourtant, ce que nous demandons n’est pas une faveur, c’est un droit. C’est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que nous réclamons, nous Algériens, et ce droit, nous avons conscience de l’avoir chèrement acquis par nos sacrifices au cours des deux guerres mondiales durant lesquelles nous avons contribué à préserver de l’esclavage des peuples actuellement libres, mais qui peut être ne l’étaient plus après 1940.

Si c’est trop demander de la reconnaissance en fonction des services rendus, que du moins on respecte les traités et les conventions relatifs aux relations franco-algériennes que la France a signés en 1830.

Je ne veux parler que pour la mémoire de la convention du 5 juillet 1830, par laquelle, sur les honneurs de la France, le maréchal de Bourmont – qui n’était peut-être que général alors – s’engageait textuellement à respecter la liberté des habitants, leur religion, leurs propriétés, leur commerce et leur industrie.

Sitôt les troupes françaises entrées à Alger, la convention fut jugée lettre morte, les habitants furent traqués, chassés – c’est de l’histoire – et déportés en masse. Des tribus entières furent exterminées ou enfumées dans les grottes. Les biens habous furent séquestrés, les meilleures terres expropriées.

Je pourrais vous parler longtemps de ces choses, vous les trouverez dans les mémoires du colonel de Saint Arnaud.

La religion musulmane fut colonisée par des fonctionnaires non musulmans, les plus belles mosquées abattues ou transformées en cathédrales.

Quant au commerce et à l’industrie des Algériens tte Charte, à l’article 73 concernant les États non autonomes, la France s’est engagée solennellement à reconnaître le principe de la primauté des intérêts des populations autochtones. Elle a accepté comme une « mission sacrée » l’obligation de favoriser la prospérité des autochtones, de respecter la culture des peuples non autonomes et d’assurer leur progrès politique et social, ainsi que le développement de leur instruction.

Elle s’est engagée, en outre, à les traiter avec équité, à les protéger contre tout abus, à leur permettre de s’administrer eux-mêmes et de tenir compte de leurs aspirations politiques et à les aider dans le développement progressif de leurs aspirations politiques et à les aider dans le développement progressif de leurs institutions politiques. On voit qu’il y a loin entre ces engagements internationaux et la politique suivie par la France en Algérie jusqu’à ce jour. Il est d’ailleurs remarquable – ce n’est peut-être qu’une coïncidence – qu’au jour même où s’élaborait cette Charte à San Francisco, la France prenait pour ainsi dire les devants en Algérie et marquait les rapports qu’elle comptait dorénavant avoir avec les Algériens par l’effroyable répression de mai 1945, au cours de laquelle tombèrent plus de 40.000 Musulmans algériens. C’était sans doute cela que traiter le peuple algérien avec équité et le protéger des abus !

De même, c’était sans doute pour respecter sa culture et développer son instruction que les medersas furent fermées et que la langue arabe, langue maternelle des Algériens, fut proscrite et considérée comme langue étrangère.

De même, c’était sans doute parce qu’on a considéré comme une mission sacrée de favoriser la prospérité des Algériens que l’on a construit de toutes pièces une économie algérienne au profit exclusif de la colonisation et des éléments européens qui la représentent, au détriment absolu de la population musulmane réduite à l’état d’immense prolétariat asservi à la féodalité agraire des colons. Je ne veux pas parler du plan Monnet. Je ne le connais pas. Mais je suppose qu’il a été façonné pour que l’économie algérienne soit complémentaire de l’économie française et cela a été décidé sans demander notre avis. C’est sans doute pour tenir compte des aspirations politiques du peuple algérien que l’on maintient dans l’illégalité un parti politique qui, qu’on le veuille ou non, représente l’opinion de la majorité des Algériens et qu’on interdit aux représentant légaux du peuple le droit de parole dans leur propre pays.

Enfin, il est à présumer que c’est par soucis de développer la capacité du peuple algérien à s’administrer lui-même et de l’aider dans le développement progressif de ses libres institutions politiques, et, surtout pour tenir compte de la primauté des intérêts des autochtones dans tout rapport entre la France et l’Algérie, qu’on veut aujourd’hui imposer au peuple algérien, sans même le consulter, un statut qui ne vise rien moins qu’à perpétuer l’asservissement économique du peuple algérien, l’anéantissement de sa culture et l’effacement progressif de sa personnalité. Le peuple algérien ne pourra pas accepter cela. Il exigera que la France respecte les traités signés, et que la Charte des Nations Unies ne soit pas un vain mot. La France a le devoir de laisser instaurer la démocratie en Algérie. L’Algérie a le droit de disposer d’elle-même. Ce droit, elle l’a acquis sur le champ de bataille ; elle le revendique aujourd’hui.

 C’est pourquoi elle s’élève contre tout statut que, de force, on voudrait lui imposer. Le peuple algérien considère qu’il a le droit et le devoir de se déterminer lui-même et de choisir les institutions politiques qui doivent le régir.

Reconnaître, en effet, à un gouvernement quel qu’il soit, fût-il français, le droit de doter l’Algérie d’un statut, c’est à proprement parler reconnaître l’état de fait créé par la colonisation en Algérie, contre le droit des gens et les intérêts sacrés du peuple algérien. Ce serait, par là-même, abdiquer par notre propre volonté la souveraineté nationale de notre peuple. Cela ne peut pas être.

Le peuple algérien nous a mandatés, nous élus nationalistes algériens, pour proclamer au peuple français et au monde entier que l’Algérie ne reconnaît pas l’état de fait crée par la conquête de 1830, que l’Algérie n’est pas française, qu’elle ne l’a jamais été et qu’elle ne reconnaît pas à la France le droit de lui donner un statut quel qu’il soit et, qu’au surplus, aucune solution ne peut être acceptée par le peuple algérien si elle n’implique pas au premier chef la garantie absolue d’un retour à sa souveraineté nationale.

C’est pourquoi nous réclamons l’élection d’une Assemblée constituante algérienne, souveraine, élus au suffrage universel, sans distinction de race, ni de religion.

C’est la seule solution qui, en postulant le retour à la souveraineté nationale de notre peuple, constitue par là-même la solution juste et démocratique du problème algérien.

Discours prononcé par le Docteur Mohammed Lamine Debaghine à l'Assemblée nationale française où il siégeait comme député, élu sur une liste MTLD.

 

Source : JORF, Débats, 1947, p.44-63

mardi 5 octobre 2021

« La patrie ou la mort les Maliens vaincront »

Face à la pression de la France et de ses alliés occidentaux, les autorités maliennes soutenues par le peuple opposent une farouche résistance. Déterminées pour une fois à tourner la page du néocolonialisme et de la Françafrique après le combat héroïque des pères de l’indépendance. Les autorités de la transition malienne, en particulier le couple historique du feu et de l’air incarné par le colonel Assimi Goita et son PM Choguel Kokalla Maiga, ont désormais la légitimité populaire de porter le changement auquel les Maliens aspirent depuis mars 1991. Ils ont pris leur courage à deux mains, au péril de leur vie, mais pour l’honneur et la dignité de leur peuple jamais soumis contre la France impériale et condescendante. Après une évaluation décomplexée de la géopolitique et des réalités du terrain, Assimi et Choguel ont décidé de reconnaitre la pertinence des choix politiques et stratégiques du père de la Nation, le Président feu Modibo Keita, qui, dans une perspective visionnaire, reconnaissait dès 1960 la qualité des appuis russes et chinois. Plus généralement, des pays du camp de l’Est contre l’impérialisme occidental, pour lequel, au détriment de l’homme, la fin justifie les moyens. C’est pour toutes ces raisons, sans forcément aimer Assimi et Choguel, qu’il faut faire feu de tout bois pour proroger la transition, le temps qu‘il faudra, jusqu’à la victoire finale du nouveau positionnement géostratégique de notre pays. Pour ne pas casser la dynamique révolutionnaire et patriotique portée par les deux hommes. Faire partir Assimi ou changer de Premier ministre est une option suicidaire à ne pas envisager ni maintenant, ni avant le recouvrement total de l’ensemble du territoire.

Jamais le peuple malien n’a été autant solidaire – excepté quelques brebis galeuses qui veulent aller à contrecourant de la Real Politik des enjeux du sahel – ni apporté autant de soutien indéfectible à ses autorités politiques que maintenant. Que nul ne se méprenne, ce peuple est béni de Dieu pour avoir su et déjoué le plan machiavélique de l’hexagone qui envisageait la partition systématique et irréversible de notre grand Mali sous couvert d’un accord pour la paix et la réconciliation, que nul malien digne de ce nom ne saurait approuver. Pays des grands conquérants, le Mali a toujours été une terre insoumise, et son vaillant peuple a toujours été digne, débout et capable de résister et de se défendre face aux assauts de quelque nature qu’ils soient.

Quoi de plus logique pour un pays de multiplier ses relations diplomatiques et/ou militaires avec d’autres pays ou même avec une société qu’elle soit paramilitaire ou composée de mercenaires, afin d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. Le choix de Wagner par les autorités maliennes, s’il se confirmait, serait bien accueilli par le peuple dans son écrasante majorité. La politique française, dans tous les domaines, étant fortement décriée, les Maliens voient dans le choix de la société russe une alternative crédible à leurs problèmes sécuritaires, car ils accusent la France de complicité avec la CMA et de connivence avec les terroristes qu’elle ne combat pas à hauteur de souhait.

En somme, le coup d’essai malien va-t-il être enfin le coup de maître en donnant le ton de la réelle indépendance des peuples francophones, cette nouvelle indépendance de l’Afrique et surtout le point de départ véritable des Etats-Unis d’Afrique tant espérés.

Youssouf Sissoko

Source : Inf@sept

lundi 4 octobre 2021

Relations franco-africaines : De la condescendance à la décadence

 Abidjan 03 octobre 2021, journée dominicale ordinaire, les chrétiens se rendent à l’église afin de nourrir leurs âmes, certains se prélassent encore dans leurs canapés savourant un bon thé devant la télé, on essaie d’accepter dans nos consciences collectives le troisième mandat du Président Alassane Ouattara mais on n'oublie surtout pas le rôle prépondérant joué par la France.

COMPLICES...

La France… ce nom revient de plus en plus souvent ces dernières années quand il s’agit de dénoncer la manipulation de certains chefs d’État africains ; c’est à croire que les Français sont les seuls à avoir colonisé des peuples en Afrique.

Nos grands-parents ont bataillé, lutté au prix de leur sang et vie afin qu’on obtienne l’indépendance pour ainsi prendre en main nos destinées et bâtir nos États. Cependant, 60 ans après cette hypothétique indépendance, l’on se retrouve encore sous le joug de cet envahisseur gourmand et méchant.

Nous sommes aujourd’hui, 60 ans après l'ère des indépendances, conscients de l’éveil des consciences des peuples africains. Conscients que leur domination s’effrite de plus en plus, les envahisseurs réfléchissent à mettre en place, de façon plus subtile cette fois, un genre de néocolonialisme par le biais de la mondialisation, de la coopération, des missions internationales, d’aides humanitaires généreuses et alléchantes.

Mais ne nous trompons pas, c’est un loup couvert d’une peau d’agneau ; un vorace insatiable qui ne demande qu’à être rationné encore et encore au mépris de nos réalités. Vigilance ! vigilance !… Ils reviennent plus fort, plus organisés et plus aguerris. Ils ont érigé des clubs d’amis qui nous donnent à manger lorsqu’ils créent eux-mêmes les conditions de notre appauvrissement. Ils nous donnent des médicaments quand ils créent des pandémies ; ils interviennent militairement pour, disent-ils, protéger les femmes et les enfants pendant des guerres internes dont ils sont à l’origine ; tout ceci dans le seul but de justifier leur présence dans nos différents pays afin d'accomplir leurs sales besognes.

Que de dégâts et désolations ! Ils ravagent tout sur leur passage. Après eux point de vies. Ruines, famines, épidémies, guerres, appauvrissement, terrorisme, manipulations…, leur apanage. Les exemples foisonnent : le Congo, le Rwanda, le Libéria, la Lybie, la Syrie, le Centrafrique, la Somalie, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Cameroun et j’en passe.

Si tous les pays susmentionnés ont connu espacement des tensions et des heures sombres de leur histoire du fait de la méchanceté de leurs colonisateurs, il faut dire que la France est pour le moins le maître incontesté de la manipulation de ses « outre-mers ». La France est toujours citée de près ou de loin dans les conflits qui endeuillent les familles des États Africains francophones, à tort ou à travers. Leurs différents agissements en disent long, leurs entêtements à aider les pays africains contre leurs volontés, leurs obstinations s’imposer dans toutes nos affaires comme si nous étions dans une sous-préfecture française.

Il paraît très évident que ces dix dernières années ont été éprouvantes et non favorables pour le positionnement de la France, cependant, l’avenir n’en demeure pas moins prometteur, car il n’y a pas que les Africains qui manifestent le désir de s’en débarrasser. Le 30 août 2021, Paris et Canberra avaient de nouveau « souligné l’importance du programme » qui, confié au français Naval Group, consistait à livrer 12 sous-marins Shortfin Barracuda à la Royal Australian Navy, cependant au grand désarroi des Français, l’Australie a finalement décidé de se rapprocher des États-Unis et de la Grande Bretagne afin, notamment, de se doter de huit sous-marins à propulsion nucléaire.

C’est fort de cela que le Sénat français, parlant des États-Unis, a déclaré que « certains alliés » se « comportent comme des adversaires et non comme des concurrents loyaux ». La semaine dernière encore la ministre française de La Mer déplorait le fait qu’on n'autorisait plus les pêcheurs français d’avoir accès aux Britanniques pour pêcher. A cet effet elle a manifesté sa colère et a même menacé en disant que la France recevait chaque année des nombres pléthoriques d’étudiants britanniques sur leurs sols et qu’ils allaient en tenir rigueur.

Hier ce sont les Maliens qui réceptionnaient quatre hélicoptères militaires venant tout droit de la Russie malgré les menaces et interdictions de leur « partenaire historique », la France. Par ailleurs, consciente de ce que de plus en plus les consciences africaines s’éveillent, consciente que sa domination sur les peuples africains s’effrite au fil du temps, habile et subtile qu’elle est, la France essaie de prendre l’opinion internationale par les sentiments en évoquant et brandissant un argument pour le moins ridicule : le sentiment anti-français.

En effet, lors de manifestations organisées dans plusieurs pays (en République Centrafricaine en 2013, au Sénégal en 2015, au Niger en 2019, au Mali en 2020, etc.), des slogans tels que « À bas la France ! », « France, dégage ! », ont été scandés et le drapeau français a été brûlé.

Alors, dans une interview accordée au Journal du Dimanche (JDD), le Président français Emmanuel Macron a évoqué le sentiment anti-français en Centrafrique : « Ce discours anti-français permet de légitimer une présence de mercenaires prédateurs russes au sommet de l’État avec un Président Touadéra qui est aujourd’hui l’otage du groupe Wagner ».

Au risque d’être long et imperceptible, je m’arrêterai là en invitant « mes frères africains », qui qu’ils soient et où qu’ils soient, à prendre conscience de leur responsabilité vis-à-vis de leurs différentes nations et du potentiel qu’ils ont, en évitant de se laisser manipuler. Quels que soient nos bords politiques, quelles que soient nos appartenances politiques, ayons tous pour priorité la préservation de nos biens publics : nos États. Adoptons des attitudes citoyennes, soyons de bons patriotes et, enfin, aimons-nous car en fin de compte, nous sommes tous des frères.

Djabiga Soro

 EN MARAUDE DANS LE WEB

Sous cette rubrique, nous vous proposons des documents de provenances diverses et qui ne seront pas nécessairement à l'unisson avec notre ligne éditoriale, pourvu qu'ils soient en rapport avec l'actualité ou l'histoire de la Côte d'Ivoire et des Ivoiriens et que, par leur contenu informatif, ils soient de nature à faciliter la compréhension des causes, des mécanismes et des enjeux de la « crise ivoirienne ».

 

mardi 28 septembre 2021

À la tribune de l’ONU, le Premier ministre du Mali appelle à changer de paradigme en matière de sécurité au Sahel


Choguel Kokalla Maïga, Premier Ministre (© Autre presse par D)

Monsieur le Président de l’Assemblée générale,

Mesdames, Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,

Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais, avant tout propos, vous adresser les salutations fraternelles du peuple africain du Mali et celles du Président de la Transition, Chef de l’Etat, Son Excellence le Colonel Assimi GOITA.

Je voudrais également, en leur nom et en mon nom propre, vous adresser, Monsieur le Président, les chaleureuses félicitations de la délégation du Mali pour votre brillante élection à la présidence de cette 76ème session de l’Assemblée générale.

Je félicite également votre prédécesseur, S.E.M. Volkan BOZKIR, de la République de Turquie, pour la manière remarquable avec laquelle il a dirigé les travaux de la 75ème session de l’Assemblée.

Qu’il me soit permis également de réitérer à notre Secrétaire général, M. António GUTERRES, notre haute appréciation des efforts louables qu’il continue de déployer pour la réalisation des nobles objectifs de notre Organisation commune.


Monsieur le Président,

La 76ème session ordinaire de l’Assemblée générale s’ouvre fort opportunément sur le thème de l’espoir. L’espoir de renforcer notre résilience pour nous relever de la pandémie de la Covid-19, dans un esprit de responsabilité, de coopération et de solidarité. L’espoir d’un monde plus sûr, d’un monde de sécurité humaine. L’espoir que le Sahel retrouve la stabilité et redevienne un havre de paix et un pôle de croissance et de développement. L’espoir, enfin, de revitaliser l’Organisation des Nations Unies.

Le Mali souscrit pleinement à l’esprit et à la lettre de ce thème, qui résume parfaitement les idéaux de notre Organisation commune.

C’est une lapalissade d’affirmer que le Mali et les pays du Sahel sont, de nos jours, confrontés à l’hydre du terrorisme, à l’extrémisme violent et à l’instabilité. Cela dure depuis plus d’une décennie, avec le risque d’enlisement, de banalisation ou de lassitude, propres à détourner ces problématiques de l’agenda international.

A notre quotidien fait d’angoisses et de tragédies est venue s’ajouter la pandémie de la COVID-19, avec ses impacts négatifs sur l’économie et sur les conditions de vie de nos populations, déjà précaires du fait des défis économiques, politiques et humanitaires. Rarement, un pays ou une région aura été aussi durement éprouvé par l’empilement des crises plus que le Mali et les Etats du Sahel.

C’est dans ce contexte difficile que le peuple malien, après plusieurs mois de soulèvements populaires, a choisi une autre direction à notre pays et a placé tous ses espoirs dans le processus de Transition politique en cours et dont il est l’artisan principal.

Le gouvernement de Transition que je dirige depuis le 11 juin 2021 comprend les représentants des forces vives du Mali. Fait notable, il comprend aussi, dans un souci d’inclusivité, des membres des Mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, ainsi que des représentants des forces politiques et sociales de notre pays.

Aussitôt installés, nous avons travaillé ensemble à l’élaboration du Plan d’Action du gouvernement de Transition, qui contient un ensemble de mesures dont la mise en œuvre va assurer la prise en charge des préoccupations majeures des populations éprouvées par la crise sécuritaire, politique, sanitaire et économique. Ce Plan d’Action gouvernemental, adopté le 2 août 2021 par le Conseil National de Transition, organe législatif transitoire, s’articule autour de quatre axes prioritaires. Il est assorti d’un chronogramme d’exécution et d’un budget prévisionnel.

Le Premier Axe du Plan d’action du gouvernement érige la sécurité au rang de priorité élevée. Il répond à l’aspiration profonde de notre peuple à la paix, à la quiétude, au vivre ensemble, à la cohabitation pacifique, à la cohésion sociale.

En effet, malgré les succès indéniables enregistrés par les Forces armées maliennes (FAMA) et leurs alliés, auxquels je rends hommage, les menaces entretenues par le terrorisme et les autres formes de banditisme et de criminalité transnational continuent, hélas, à endeuiller notre peuple au quotidien et à menacer les fondements de l’Etat.

De mars 2012 à ce 25 septembre 2021 où je m’adresse à vous du haut de cette auguste tribune, la situation de mon pays ne s’est guère améliorée, malgré le soutien international et la présence sur notre sol d’une Opération de paix de l’ONU, la MINUSMA, et des forces internationales : l’Opération française Barkhane, la Force européenne TAKUBA et la Force conjointe du G5 Sahel.

La situation continue progressivement de se détériorer, au point que des pans entiers du territoire national échappent au contrôle du gouvernement. Mes concitoyens vivent sous l’emprise des Groupes armés terroristes dans le déni de leurs droits les plus élémentaires. Leur accès aux services de base demeure hypothétique en raison de la faible présence des services de l’Etat, consécutive à l’insécurité grandissante.

La MINUSMA dont je salue ici le courage et la contribution à la stabilisation du Mali, évolue dans cet environnement vulnérable avec tout ce que cela comporte comme menaces sur elle.

Face à cette situation préoccupante, le gouvernement est régulièrement et fortement interpellé par les populations maliennes, de plus en plus exigeantes vis-à-vis des pouvoirs publics et des partenaires internationaux. S’il est établi que l’un des droits fondamentaux des populations est le droit à la sécurité, la garantie de celle-ci est, assurément, l’élément de légitimation de l’Etat aux yeux des citoyens.


Monsieur le Président,

Je fais ce rappel pour vous restituer l’exacte situation de calvaire qu’endurent les populations maliennes. Je le fais aussi pour nous convier, tous ensemble, à l’introspection, afin de changer de paradigme en matière de sécurité au Sahel.

Le Mali, comme vous le savez tous, accueille sur son territoire une Opération de paix des Nations Unies et je voudrais, à nouveau, rendre un hommage appuyé à toutes les femmes et à tous les hommes qui travaillent, sous la bannière de la MINUSMA, dans des conditions difficiles, souvent périlleuses, pour préserver la paix et pour protéger nos populations civiles.

Je rappelle que notre organisation commune, l’ONU, a été bien avisée en avril 2013, lorsqu’elle a décidé de déployer, fort opportunément, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA).

La résolution 2100 du 25 avril 2013 établissant la MINUSMA avait considéré, je cite, que : « la situation au Mali constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales » et a décidé, en conséquence, d’agir en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Dans son paragraphe 16, la résolution 2100 a fixé comme mandat initial à la MINUSMA, entre autres, « d’appuyer les autorités de transition maliennes, pour stabiliser la situation dans les principales agglomérations, en particulier dans le nord du pays, et, dans ce contexte, écarter les menaces et prendre activement des dispositions afin d’empêcher le retour d’éléments armés dans ces zones ».

La résolution 2164 du 25 juin 2014 qui a renouvelé pour la première fois le mandat de la MINUSMA pour un an, a souligné, je cite : « …que le terrorisme ne peut être vaincu qu’à la faveur d’une démarche suivie et globale, fondée sur la participation et la collaboration actives de l’ensemble des États et organismes régionaux et internationaux, visant à contrer, affaiblir et isoler la menace terroriste… ». Fin de citation.

En conséquence, le paragraphe 12 de ladite résolution autorisait « la MINUSMA à utiliser tous les moyens nécessaires pour accomplir son mandat, dans les limites de ses capacités et dans ses zones de déploiement ». Elle lui enjoignait, en particulier, au titre du paragraphe 13 « d’étendre sa présence, notamment grâce à des patrouilles de longue portée, dans la limite de ses capacités, dans le nord du pays, au-delà des principales agglomérations, et en particulier dans les zones où les civils sont en danger ».


Monsieur le Président,

Huit ans après le déploiement de la MINUSMA, les extraits ci-dessus des résolutions de 2100 (2013) et 2164 (2014) sont d’une évidente et d’une brûlante actualité. Les populations maliennes sont exaspérées aujourd’hui devant les tueries de masse, les villages rasés de la carte et d’innocents civils fauchés, dont des femmes et des nourrissons souvent brûlés vifs.

Les Maliennes et les Maliens ont le net sentiment que la mission assignée à la MINUSMA a changé en cours de route, et notamment depuis 2015, suite à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, alors même que les défis qui ont justifié son déploiement sont restés constants.

En effet, contrairement aux attentes du peuple malien, l’environnement notoirement terroriste dans lequel la MINUSMA a été déployée en 2013 s’est dégradé continuellement. Au fil du temps, il s’est même métastasé, car les Groupes armés terroristes qui ont envahi près des deux tiers de notre territoire national en 2012 ont été dispersés sans jamais être anéantis. Ils se sont reconstitués et se sont renforcés.

C’est dans ce contexte de menace préoccupante que l’armée française, à travers l’Opération SERVAL d’abord et, ensuite, l’Opération Barkhane, a été autorisée à mener, en soutien à la MINUSMA et à nos Etats, le volet lutte contre le terrorisme au Mali. C’est également dans ce contexte que l’Opération française Barkhane amorce subitement son retrait en vue, dit-on, d’une transformation en Coalition internationale dont tous les contours ne sont pas encore connus, en tout cas pas connus de mon pays.

L’annonce unilatérale du retrait de Barkhane et sa transformation n’ont pas tenu compte du lien tripartite qui nous lie, c’est-à-dire l’ONU et le Mali en tant que partenaires engagés avec la France sur le front de la lutte contre les facteurs de déstabilisation. Le Mali regrette que le principe de consultation et de concertation qui doit être la règle entre partenaires privilégiés n’ait pas été observé en amont de la décision du gouvernement français.

Aussi, la nouvelle situation née de la fin de l’Opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autre partenaires, de manière à combler le vide que ne manquera pas de créer par la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le Nord de notre pays. Cette situation doit également inciter les Nations Unies à avoir désormais une posture plus offensive sur le terrain.


Monsieur le Président,

Il n’existe pas de sentiment anti-MINUSMA au Mali, pas plus qu’il n’existe pas de sentiment anti français dans notre pays. Non ! Je le dis sans ambages. Notre peuple n’a jamais été et ne sera jamais un peuple ingrat.

Au sommet de l’Etat et au sein des populations maliennes, il existe un désir de paix et une soif de sécurité qui font écho à l’exigence d’efficacité des instruments et des mécanismes politiques et militaires mis en place et qui font paradoxalement du Mali un pays surmilitarisé mais très vulnérable face au terrorisme, devenu un facteur de désintégration de nos sociétés et de déstabilisation des fondements de l’Etat.

Que devrions-nous faire face à un tel paradoxe ? Que faut-il faire pour répondre à l’angoisse, à l’exaspération et à la colère des populations maliennes ? Que faut-il faire pour répondre au sentiment d’insatisfaction à la fois des Maliens et des partenaires du Mali ?

Je pense, humblement, que face à ces interrogations, nous devons avoir le courage et la lucidité d’interroger les instruments et les mécanismes évoqués plus haut. Nous devrions aussi et surtout remettre sur la table la demande d’un mandat plus robuste et d’un changement de posture de la MINUSMA, régulièrement faite par notre gouvernement au Conseil de sécurité de l’ONU.

Ceci permettra d’adapter le mandat de la MINUSMA, de lui donner les moyens de s’acquitter convenablement de son mandat et de répondre à l’aspiration du peuple malien, aspiration sans laquelle ni la Mission de l’ONU ni les autres partenariats militaires internationaux et régionaux présents sur notre sol n’auront de crédibilité aux yeux de mes concitoyens.

En termes clairs, les Nations Unies doivent aider le Mali à lutter plus efficacement contre la criminalité transnationale organisée afin d’asseoir les conditions véritables de sa stabilisation, gage de la réussite des actions de soutien politique, humanitaire, de développement et de protection des droits de l’homme.

S’il est établi que la situation au Mali constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales, il nous revient de trouver les voies et moyens idoines pour continuer à y faire face de manière holistique, solidaire et déterminée jusqu’à l’éradication de ladite menace.


Monsieur le Président,

Dans la guerre sans merci qu’il mène contre le terrorisme, le gouvernement du Mali ne ménagera aucun effort pour remplir ses obligations internationales en termes de respect des droits de l’homme. Il accorde la plus haute importance à la coordination des actions de nos partenaires sur le terrain, à la coopération régionale pour tenir compte de la dimension régionale de la crise sécuritaire au Sahel.

C’est tout le sens de notre engagement dans la Force conjointe du G5 Sahel. C’est aussi tout le sens de notre demande commune au sein du G5 Sahel en faveur d’un mandat robuste et adapté, sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et d’un financement prévisible et pérenne de la Force conjointe du G5 Sahel.

Dans un souci de cohérence et d’efficacité, le gouvernement du Mali s’attèle à la mise en place, sous mon autorité, d’une structure de suivi et de coordination des activités de la MINUSMA, ainsi qu’à l’élaboration d’une Stratégie de Gestion Intégrée de la Crise au Centre du Mali.

Nous ne nous exonérons pas de nos responsabilités propres dans le processus de stabilisation du Mali. Le gouvernement de Transition a une claire conscience que cette stabilisation passe aussi par la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger. Au demeurant, le gouvernement et les Mouvements signataires, ainsi que ceux de l’Inclusivité poursuivent la mise en œuvre de l’Accord dans un esprit de confiance et de responsabilité au sein d’un cadre nouveau appelé « Cadre Inter malien pour la mise en œuvre de l’Accord ».

Dans cet esprit, nous poursuivons la mise en œuvre intelligente et la relecture consensuelle de l’Accord, aux fins de son parachèvement. L’objectif recherché étant de favoriser son appropriation nationale et de renforcer son caractère inclusif, tout en veillant aux conditions politiques et sociales du consensus nécessaire à la relecture de certaines dispositions, conformément au mécanisme prévu par l’Accord.

Concernant les questions de Défense et de Sécurité de l’Accord, un programme de DDR accéléré (Désarmement, Démobilisation et de Réinsertion) portant sur l’intégration de 3000 ex-combattants issus des mouvements signataires et de l’inclusivité a été mis en place, sur lesquels 1840 ex-combattants ont déjà été intégrés. Le gouvernement a également exprimé sa volonté d’intégrer les 1160 restants au plus tard le 21 août 2021 n’eut été la lenteur accusée par la Coordination des Mouvements de l’Azawad dans la fourniture de la liste de ses représentants.

Par ailleurs, le gouvernement du Mali est disposé à l’intégration prochaine des ex-combattants au sein des Forces armées et de sécurité, de la Fonction publique de l’Etat et d’autres corps paras militaires du pays, dès lors que les quotas compatibles avec les capacités du budget national sont fixés.

Le gouvernement est déterminé à surmonter les obstacles techniques qui émanent des autres parties à l’Accord, en particulier les Mouvements signataires dont l’adhésion au DDR doit être sans réserve.

Le volet réinsertion socioéconomique entamera les activités d’ici fin septembre 2021 avec l’appui de la MINUSMA et de la Banque mondiale.

Je n’oublie pas ici la situation des réfugiés maliens dans les pays voisins et les personnes déplacées internes, qui reste une préoccupation majeure du gouvernement du Mali. Nous nous attèlerons à créer, avec l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, les conditions idoines d’un retour dans la sécurité et la dignité de nos populations, et à assurer leur participation aux prochaines élections.


Monsieur le Président,

La Transition en cours au Mali se veut une transition de rupture qui porte l’espoir de guérir le Mali des maux qui l’assaillent, dont l’instabilité politique et institutionnelle, l’affaissement de l’Etat, conséquences directes de la corruption et de l’impunité. Pour réussir ce pari, notre pays a décidé de s’engager dans la voie des réformes qui constituent le deuxième Axe du Plan d’action du gouvernement. Ces réformes vont au-delà des questions politiques et institutionnelles et visent, in fine, à refonder l’Etat dont le délitement progressif est à la base de l’extrême vulnérabilité du Mali face aux défis politiques, économiques et sociaux auxquels il est confronté.

Mon pays le Mali souhaite être une solution aux crises qui menacent le Sahel. Le Mali aspire vivre en paix avec ses voisins, renforcer son unité, sa stabilité et recouvrer la plénitude de sa souveraineté sur tout son territoire. Le Mali veut garantir la sécurité humaine à l’intérieur de ses frontières en consolidant ses institutions constitutionnelles.

A cette fin, le Mali est engagé à faire sa mue, à travers des réformes, à amorcer sa transformation vers un Etat stable et prospère, orienté vers le bien-être de ses habitants. Ces réformes ont trop longtemps été différées pour différentes raisons par les régimes politiques qui se sont succédé au pouvoir depuis deux décennies. La Transition en cours, sous la conduite de Son Excellence Colonel Assimi GOITA, a décidé de s’y engager fermement.

Le Chef de l’Etat nous a commis à convoquer, dans les tous prochains jours, les Assises Nationales de la Refondation (ANR) dont les recommandations auront force exécutoire, aussi bien pour la période de Transition en cours que pour la poursuite des politiques publiques à venir.

La troisième action prioritaire du gouvernement est consacrée à l’organisation des élections générales transparentes, crédibles et inclusives devant marquer le retour à l’ordre constitutionnel au Mali. Ces élections sont particulièrement importantes, car elles seront le baromètre de la réussite de la Transition. Nous savons que leur qualité et leur crédibilité conditionneront l’avenir de notre démocratie, la légitimité et la solidité de nos institutions.

Tirant les leçons de notre pratique démocratique récente, le gouvernement va instituer un Organe Unique Indépendant de Gestion des Elections (OUIGE). Cet Organe unique de Gestion des élections posera les jalons politiques, juridiques et institutionnels de la restauration de la confiance des acteurs politiques et des citoyens lors des compétitions électorales. Il s’agit là d’une innovation majeure de nature à renforcer la démocratie et la légitimité des institutions.

Nous avons conscience des délais impartis à la Transition et de nos engagements internationaux. Nous travaillons sans relâche à les respecter. Dans cette optique, l’Organe unique de gestion des élections suivra un processus accéléré de mise en œuvre à travers la relecture de la loi électorale, l’installation d’un directoire national et des démembrements aux niveaux régional, local et dans les Ambassades et Consulats du Mali. A cet égard, la table ronde sur l’examen de l’avant-projet des termes de référence des Assises Nationales de la Refondation s’est ouverte hier à Bamako.

Au-delà de la question de l’Organe unique de gestion des élections, le gouvernement va s’atteler à réformer le système électoral, à travers la relecture des textes fondamentaux régissant les élections.

Enfin, le quatrième axe de l’action gouvernementale consistera à instaurer la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité sociale. Sous ce chapitre, le gouvernement s’est engagé à assurer une gouvernance de rupture et d’exemplarité. Une lutte implacable est déjà engagée pour combattre la corruption et l’impunité, qui sont à la base de la déliquescence de l’Etat. Les mesures en cours dans ce sens vont se poursuivre et s’intensifier.

La gouvernance de rupture se traduit d’ores et déjà par une réduction drastique du train de vie de l’Etat, afin de dégager des espaces budgétaires pour améliorer les conditions de vie des populations et assurer une répartition équitable des richesses nationales. Le Président de la Transition et le gouvernement ont déjà donné de bons exemples dans ce sens. Les ressources ainsi dégagées sont réaffectées vers les services sociaux de base.

Pour plus de justice et d’équité entre les travailleurs, le gouvernement, après avoir procédé à l’harmonisation des grilles salariales au sein de la fonction publique, va initier, dans les meilleurs délais, une Conférence sociale, en concertation avec les partenaires sociaux et les acteurs du monde du travail.

Monsieur le Président,

Pays sahélien à vocation essentiellement d’agriculture, d’élevage et de pêche, le Mali demeure fortement préoccupé par les changements climatiques, qui constituent l’un des défis majeurs pour la survie et le développement de l’humanité. En effet, mon pays subit de plein fouet les effets des changements climatiques, caractérisés par l’avancée de la désertification et son impact sur la faune et la flore, l’assèchement de nos fleuves et de nos cours d’eau, l’augmentation du niveau de chaleur, les inondations… C’est pourquoi, je voudrais réaffirmer l’attachement du Mali à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat.

Monsieur le Président,

Je voudrais conclure en rappelant que l’action du gouvernement de la Transition au Mali est orientée sur trois piliers qui correspondent à trois besoins vitaux pour le Mali. Il s’agit du besoin de sécurité, de besoin de justice pour lutter contre la corruption et l’impunité et du besoin de réforme.

Il est impérieux de continuer à travailler à améliorer l’environnement de sécurité au Mali, avec l’aide des amis du Mali, en appui aux efforts des Forces de défense et de sécurité.

Il est tout aussi impérieux de mener les réformes nécessaires à la refondation de l’Etat et à l’adaptation des textes régissant les élections aux besoins de la société malienne et aux évolutions du temps.

Il n’y a pas d’alternative aux réformes que nécessitent l’état désastreux du Mali, si nous voulons faire en sorte que ce grand pays reste debout et redevienne stable. La CEDEAO a bien appréhendé cela et, dès octobre 2018, elle avait recommandé, à l’issue de sa Mission d’Information relative à la crise postélectorale de mener les réformes en ces termes, je cite : « Prenant acte de la prolongation de la législature actuelle selon l’avis de la Cour Constitutionnelle et au regard des dysfonctionnements largement reconnus et évoqués par tous les interlocuteurs lors du scrutin présidentiel passé, il est impératif que le gouvernement et tous les acteurs sociopolitiques conviennent, de manière consensuelle, d’entreprendre des réformes courageuses des cadres légaux, y compris la Constitution de février 1992, et du système électoral avant de s’engager dans les prochaines échéances électorales que compte mener le pays ».

Je dois dire que cette importante recommandation de la CEDEAO n’a pas été suivie d’effet à ce jour. Le gouvernement de transition que j’ai l’honneur de diriger s’attèle à la mise en œuvre diligente de cette mesure.

Je saisis cette occasion pour renouveler la gratitude du Président de la Transition, du gouvernement et du peuple maliens aux Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, pour leur leadership, et pour leur présence constante aux côtés du Mali en ces moments difficiles et complexes. Nous les exhortons à continuer à avoir une lecture lucide de la situation qui prévaut au Mali, un pays vaste, ouvert sur sept frontières et qui constitue une digue pour toute la région Ouest-africaine.

Je vous remercie de votre aimable attention.


Source : « L’ESSOR » 27 septembre 2021