lundi 3 décembre 2012

Le bêtisier houphouétiste (suite)

Aujourd’hui, la parole à Jeannot Ahoussou Kouadio

« Le président Bédié reste et demeure un homme d’Etat de grand calibre qui a fait preuve de don de soi. Pour sauver la Côte d’Ivoire, il a renoncé au pouvoir en 1999 sans verser le sang des Ivoiriens. En 2010, il a renoncé à aller jusqu’au bout dans sa contestation des résultats et a préféré appeler à voter pour son jeune frère, le président de la République Alassane Ouattara. Ajouter à cela tout ce qu’il a vécu lors du blocus du Golf. Dans le monde, il n’existe pas beaucoup d’hommes politiques capables de renoncer à leurs ambitions de cette manière. Pour la paix, pour les Ivoiriens, Bédié s’est sacrifié. Je suis donc venu me ressourcer auprès de lui parce que c’est une source où il faut s’abreuver.
» (Le Nouveau Réveil 30 novembre, 2012)

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Hé tchia !… 
 
Donc, Ahoussou, d’après toi, le 24 décembre 1999, Bédié a renoncé au pouvoir de lui-même ; personne ne l’a poussé dehors sous la menace de ses fusils ; et lui n’a jamais appelé au soulèvement populaire contre un certain « zozo » qui venait de prononcer sa déchéance, au risque de provoquer un bain de sang parfaitement inutile, s’il s’était trouvé des gens assez sots pour répondre à son appel ! Non. Ce jour-là, le « grand calibre » s’est levé tranquillement, et il a dit à sa femme : 

« Henriette, fais les bagages, on quitte. On s’en va à Paris, dans notre appartement de la rue Beethoven. Mais, d’abord, on va aller fêter le réveillon avec les Français dans leur 43e BIMa-là ; ils ont toujours du bon champagne. Après ils vont nous prendre dans leur hélicoptère jusqu’à Lomé, et puis on continuera par avion… »


Mais, mon pauvre Ahoussou, qui crois-tu tromper avec de telles sornettes ?
Nous avons tous vu et entendu ton …« homme d’Etat de grand calibre » pendant ces journées fatidiques où sa vanité, sa mesquinerie et sa couardise se combinèrent pour produire le cocktail détonnant qui devait jeter la Côte d’Ivoire dans la série de malheurs dont il avait prétendu nous protéger avec le fumeux concept d’ivoirité. Et nous ne sommes pas les seuls ; le monde entier l’a vu et entendu. En voici quelques preuves, glanées dans la presse française de l’époque :

« Retranché dans la résidence d’Houphouët avec des membres de sa famille et plusieurs collaborateurs civils et militaires, Bédié se montre de plus en plus irrité. » (Jeune Afrique hors-série n°2, Janvier 2000)

« H.K. Bédié, réfugié à l'ambassade de France, lance un appel à la résistance sur les ondes de RFI. Il accuse le général Guéi de « tentative de coup d'Etat », le qualifie de « zozo » et dénonce son putsch comme « grotesque. » Philippe Decraene (Afrique contemporaine N° 193, 1er trimestre 2000, Dossier Côte d'Ivoire).

« Pathétique aussi cet appel à la résistance que lança le 24 décembre Bédié sur les ondes de Radio France Internationale, en comptant sur un sursaut de la gendarmerie, supposée fidèle. « En ma qualité de président de la République démocratiquement élu et en relation avec les forces loyales majoritaires, je condamne énergiquement cette tentative de coup d'Etat militaire et j'en appelle à l'opinion nationale et internationale pour condamner ce coup de force », lance Bédié sur RFI. Un Bédié qui y croit encore : « J'invite tout particulièrement les forces vives de Côte d'Ivoire, tant militaires, civiles que traditionnelles, à résister et à mettre tout en œuvre pour s'opposer par tous les moyens et faire échec rapidement à cette tentative grotesque et rétrograde de coup d'Etat militaire. J'appelle toutes les forces vives, tous les commissaires de la République, préfets, sous-préfets, tous les élus, maires, députés, la société civile et toutes les populations du pays profond à organiser, pour une fois en Afrique, la résistance. » R-J Lique (« Comment le dauphin de Félix Houphouët-Boigny, qui inventa la désastreuse "ivoirité", a foncé droit dans le mur sous les yeux ébahis de la France - Partie 10/10 » - www.afrique-express.com)
Bédié le 22 décembre 1999.

Pour le reste, tu as tout à fait raison : il n’existe pas beaucoup d’hommes politiques capables de renoncer à leurs ambitions de cette manière, c’est-à-dire, cadeau !, comme on dit vulgairement. Pourquoi ? Parce que quand un homme d’Etat, et surtout un chef d’Etat, renonce à sa fonction, c’est toujours pour une bonne raison, mais (presque) jamais pour une raison de convenance personnelle, encore moins par générosité ou je ne sais quoi… Renoncer de la manière dont tu prétends que Bédié l’a fait, c’est ce que ferait un passeur qui abandonnerait au milieu du gué ceux qui lui ont confié leur vie. Pour le dire d’un mot, c’est trahir ! Et, depuis son arrivée à Paris après son éviction par Robert Guéi et consort jusqu’à ce jour, la posture (im)morale de Bédié, ses actes, ses paroles, sont autant de trahisons de ce qu’il claironnait du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, le 22 décembre 1999. Rappelle-toi : 


« La citoyenneté est la pierre angulaire de la démocratie et de la souveraineté nationale. La démocratie n’est pas le libre cours laissé à des minorités violentes qui veulent imposer leur point de vue en dépit des lois. Par exemple, vouloir empêcher l’application de dispositions constitutionnelles ou le déroulement régulier d’un scrutin ne sont pas, c’est le moins qu’on puisse dire, des actes démocratiques. Les changements démocratiques ne s’obtiennent pas par la violence et dans la rue mais pacifiquement dans les urnes. Deuxième point : La citoyenneté est la pierre angulaire de la démocratie et de la souveraineté nationale. Même si, dans certains pays, l’on a récemment étendu le droit de vote à certains non nationaux (lors de scrutins locaux, à titre expérimental), la citoyenneté, c’est-à-dire la capacité de voter et de se présenter aux suffrages, est fondamentalement et, pourrait-on dire, consubstantiellement attachée à la nationalité. A plus forte raison lorsqu’il s’agit de la candidature à la magistrature suprême. C’est parce que la Côte d’Ivoire est un pays d’accueil largement et généreusement ouvert qu’il a paru au législateur qu’il était nécessaire que la nationalité des candidats découle à la fois du droit du sol et du droit du sang, c’est-à-dire à la fois de la naissance sur le territoire national et de la filiation. Quoi de plus logique et de plus naturel ?
L’intégration à la communauté nationale est un processus et non pas le résultat d’un coup de baguette magique à effet instantané. A fortiori est-il concevable, et même convenable, quoi qu’on puisse juridiquement le faire, de chercher à tirer parti, de façon la plus intéressée, d’une éventuelle appartenance à plusieurs nationalités ? Quelles sont ces personnes qui se disent Ivoiriennes les jours pairs et non Ivoiriennes les jours impairs ? N’y a-t-il donc pas, dans nos formations politiques, assez de personnalités ivoiriennes présentant les qualités requises pour être des candidats valables à l’élection présidentielle ? Oserais-je ajouter que dans les pays où certains se donnent volontiers en modèles, voire en censeurs, il existe des dispositions légales semblables aux nôtres et qui s’appliquent aux conditions de l’éligibilité à la magistrature suprême.
C’est ce lien fort entre nationalité et citoyenneté qui fonde la souveraineté et l’indépendance de la Nation. Aujourd’hui, cette souveraineté et cette indépendance sont grossièrement mises en cause par des personnes et des organisations qui s’arrogent la faculté de décider de ce qui est bon pour les Ivoiriens. Nos aînés n’ont pas lutté pour l’indépendance pour que nous acceptions aujourd’hui de nouvelles soumissions. La nationalité, la citoyenneté, la démocratie et la souveraineté nationale sont les quatre côtés d’un carré magique qu’il nous faut défendre avec calme et détermination devant ces ingérences inacceptables. C’est aux Ivoiriens de décider par eux-mêmes, pour eux-mêmes, et de choisir librement l’un d’entre eux pour conduire le destin de la Nation en refusant les aventures hasardeuses et l’imposture insupportable. »
(Fraternité Matin 23 décembre 1999).


Mais tu vas peut-être me dire que, ce jour-là, Bédié n'était pas vraiment lui-même. Là, pas de problème, je te crois sur parole.
Marcel Amondji

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